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10 ans, c’est suffisamment long pour jeter un petit coup d’œil dans le rétroviseur et voir le chemin parcouru. C’est en 2015 que j’ai pris la suite de Daniel Cattin à la tête de l’aventure qu’il avait démarré il y a plus de 40 ans, 10 années bien nécessaires pour apprendre, apprivoiser et faire mien la philosophie Cattin.

Pour commémorer ce dixième anniversaire , je me suis dit qu’une rétrospective des 10 vélos qui m’ont marqués, parmi les plus 230 fabriqué, serait une idée bien amusante ! Alors en vélo Simone !

2015 – Le 1er vélo (de grand voyage)

Quoi de mieux que de commencer avec directement avec l’une des spécialités historiques des Cycles Cattin et ce qui m’a personnellement amené à la fabrication : le vélo de voyage. Le tout premier vélo sorti dans le nouvel atelier a été livré en février 2015. Bien entendu, c’est encore le maître, Daniel Cattin, qui tenait le chalumeau et la ponceuse à bande. Il faudra attendre le mois de juillet pour que je fabrique mes premiers cadres en complète autonomie. Il m’arrive encore régulièrement de penser à ces premiers vélos fabriqués avec Daniel, et particulièrement à celui-ci, comme un point de référence qui reste d’actualité 10 ans après.

Il faut bien que je vous avoue que les vélos que je fabrique aujourd’hui ne sont pas intrinsèquement meilleurs que ceux fabriqués par Daniel il y a plus de 10 ans. Car la valeur d’un vélo artisanal (et même au delà) tient avant tout du savoir faire de l’artisan qui l’a fabriqué. En la matière je n’ai pas la prétention d’être meilleur que mon prédécesseur, l’égaler est déjà un bel objectif, celui de 10 années de travail.

2016 – Mon premier vélo de route

Après une première année de travail et une dizaine de cadres à mon actif, je me suis fabriqué un vélo de route avec la double ambition de tester les recettes secrètes Cattin (roues en 650C, géométrie typé montagne) et de lui donner une esthétique qui me soit propre. Il ne m’est pas toujours été donné d’être inspiré, mais sur ce coup je crois bien l’avoir été. Il m’a servi pendant plusieurs années comme étendard de la marque avec son look flamboyant, son poids plume (7 kg tout rond) et son comportement particulièrement intéressant.

Malheureusement, un portique de parking a décidé de lui régler son compte à peine 3 ans plus tard. Depuis il a eu 2 successeurs qui ont hérité de sa fourche et de ses roues et ont été l’occasion de tester d’autres choses. J’ai le sentiment, sans trop savoir si ce n’est pas dû à la nostalgie de son rouge flamme, qu’aucun d’eux n’est arrivé à le surclasser !

2017 – La Randonneuse de la transmission

Dans le stock que j’avais récupéré de Daniel, il y avait un cadre à la peinture toute abîmée. C’était celui de la randonneuse d’exposition de l’année 1997, qui avait été dépecée de tous ses équipements depuis longtemps. Mais il ne fallait pas être grand mage pour savoir qu’il avait un beau potentiel. Et puis c’était l’occasion de célébrer une transmission qui c’était bien passée. Je lui ai donc fabriqué une jolie fourche, fait faire une belle peinture et équipé avec des composants modernes mais classiques.

Le résultat reste encore aujourd’hui l’un des plus beau vélo de l’atelier. A tel point qu’il a été exposé au Musée Dauphinois à Grenoble pendant 18 mois dans le cadre d’une exposition sur le vélo en 2020-2021.

2018 – une randonneuse toute petite et toute mignonne

Certain·es client·es vous marquent, soit qu’il·elles sont particulièrement gentil·les (ou méchant·es, mais ceux-là on s’arrange pour les oublier), soit par ce qu’il·elles ont quelque chose d’exceptionnel. Pour cette toute petite randonneuse, la cliente avait les deux à la fois ! Il s’agit du vélo d’adulte le plus petit que j’ai eu a fabriqué en 10 ans, les roues de 26″ y paraissent grandes. Le sur mesure touchait à son ultime application, permettre à une cycliste d’avoir enfin, à près de 60 ans, le premier vélo sur lequel elle sera bien.

Pour couronner le tout le résultat final est particulièrement séduisant ! Cette petite randonneuse est très bien proportionnée, le cadre trapèze s’intègre bien (ce qui n’est pas systématique) et la couleur lui donne une fraîcheur bien sympathique. Après 10 ans de fabrication et plus de 230 vélos fabriqués, celui-ci reste comme l’un de mes coups de coeur et l’une de mes plus belles réussites. La matérialisation d’une rencontre réussie entre un artisan et une cliente.

2018 bis – Concours de Machines

En 5 participations au Concours de Machines, 2018 est sans doute la seule où j’ai vraiment joué le jeu du concours. Il faut bien que je l’avoue, la compétition n’a jamais suscité chez moi l’enthousiasme. Bon le succès ne fut pas plus au rendez-vous cette fois ci que pour les autres, puisque je suis revenu bredouille… Pourtant je m’étais donné les moyens comme jamais, notamment avec cette fourche truss/potence/guidon dont la fabrication m’a donné des sueurs froides. Ma cathédrale personnelle ! Il y a d’ailleurs pleins d’autres détails qui en font en grand vélo : son yoke maison, son arrière décentré et très court, son poids (10,5 kg avec porte bagage)…

Ce vélo reste l’une de mes grandes réalisations. Il est encore mon VTT de tous les jours, avec lequel je prends beaucoup de plaisir à me faire secouer le cocotier (parce que les pneus de 3″ ne sont pas non plus source d’un très grand confort). Étrangement, il n’a pas eu beaucoup de suite (il a eu 2 prédécesseurs) et il faudra attendre 2025 et l’arrivée de la Baroudeuse pour retrouver une bonne partie de la recette.

2019 – Tandem

L’histoire des Cycles Cattin est remplie d’un type bien particulier de vélo, celui où l’on pédale à deux, le tandem. Parmi les plus de 230 vélos fabriqué en 10 ans, il y a 9 tandems. Même si c’est sensiblement plus compliqué que de fabriquer un vélo classique, j’ai toujours pris un grand plaisir à les fabriquer et je regrette souvent de ne pas en faire plus souvent.

Les deux grandes catégories pour les tandems sont ceux de voyage, qui doivent le plus souvent se séparer en 2 pour le transport, et ceux pour les mal voyant·es où parfois le stocker est (bien) plus grand que le pilote. En découle tout une adaptation de a géométrie pour que tout se passe bien sur le vélo !

2020 – Gravel ou randonneuse, pourquoi choisir ?

Le premier gravel d’exposition des Cycles Cattin a en fait été fabriqué en 2019, mais a eu un début de vie un peu contrarié… Dès ses premiers tours de roue, le tube diagonal s’est fendu. J’avais voulu utilisé l’un des nombreux tubes de la marque Excell que Daniel m’a cédé. J’étais pourtant prévenu, certains, anormalement légers, devaient être bien trop fin pour une utilisation un tant soit peu engagée… Ça n’a pas manqué ! Il sortira finalement en 2020 avec un vrai tube diagonal et un programme mixte gravel/randonneuse (et route il faut bien le dire).

Depuis il m’accompagne tout au long de l’année pour une grande variété de sorties, sur un ou plusieurs jours. Il est aussi à l’aise sur l’Ardéchoise ou le BRA que pour une virée de 3 jours avec des ami·es en sacoches et n’a peur ni des grands cols ni des pistes ! Seul la section maximale des pneus (35 mm) limite sa polyvalence, mais explique son très bon rendement. Il ne faut pas vouloir tout faire non plus, car dans ce cas on fait tout mal.

2022 – La randonneuse des 40 ans

J’aime bien dire à mes client·es que je ne fais pas des vélos pour qu’ils soient accrochés au dessus de la cheminée. L’idée du vélo bijou ne m’intéresse pas vraiment. Et pourtant j’en ai fait un… Un que l’on n’a pas envie de décrocher de sa vitrine de peur de le salir, un que je trouve toujours aussi beau, même après 3 ans à ne voir que lui dans le magasin tellement il brille ! Sa fonction incitait à en faire un bijou, celle de marquée les 40 ans de la fabrication chez les Cycles Cattin en 2022.

Il s’agissait aussi de faire un exercice de style, celui de faire un vélo moderne mais imprégné de l’histoire des Cycles Cattin et d’autres cadreurs historiques grenoblois (Hugonnier Routens entre autres). C’est une façon de se rappeler d’où l’on vient et ce que l’on doit aux anciens, d’avouer humblement que les vélos que l’on fabrique aujourd’hui ne surpasse qu’en peu de choses ceux fabriqués dans le passé et que c’est bien ainsi. Reste qu’il s’agit avant tout d’un vélo et qu’il faudra bien que d’ici 2032, je le décroche de sa vitrine et j’aille rouler avec, n’en tenant plus de le voir immobile !

2022 bis – Le Charmant Som, celui par qui le changement arrive

Le Charmant Som ouvre une nouvelle étape dans la vie des Cycles Cattin. Non pas que le vélo en lui même soit révolutionnaire dans notre gamme, bien au contraire, il s’agit d’un des vélo iconique de notre boutique : la randonneuse légère et versatile, l’un des fils conducteurs des 40 années de vie des Cycles Cattin. Mais il s’agit d’une révolution dans la façon de concevoir et produire les vélos. L’idée de départ était de résister à l’inflation post Covid en simplifiant la fabrication du vélo et en rationalisant l’offre au client. Finies les brasures polies, 4 tailles (mais toujours une étude posturale), et une gamme de composants limitées, le tout pour garder un vélo à moins de 4000 €.

Deux ans et demi après sa sorite, le Charmant Som a rencontré un succès réel, puisque 25 vélos ont été vendu. Il correspond assez bien aux besoins d’une partie de notre clientèle : le voyage sur route principalement avec des chargements raisonnables. Et puis rien n’empêche de l’utiliser pour faire une sortie route ou gravel un peu plus sportive de temps en temps ! Mais ce changement de mode de conception et de fabrication a surtout fait évoluer en profondeur ma conception de mon travail et le Charmant Som va initier une refonte (en cours) de l’offre des Cycles Cattin, avec l’apparition d’autres modèles correspondants à chaque type de vélo fabriqué à l’atelier. Cette logique de gamme avec des modèles bien définis est le gros point positif dans cette expérience, finalement beaucoup plus que la logique de mini série qui me paraissait centrale au début et que je vais complétement arrêter en 2025.

2024 – l’ADN des Cycles Cattin

Le Charmant Som ne pouvait pas rester seul bien longtemps, d’autant plus que le choix d’utiliser des freins route grands étriers limite fortement la taille des pneus (32 avec garde boue max). Il fallait dont rapidement sortir la grand sœur à gros pneus pour nos ami·es tour-du-mondistes ! Je suis encore une fois retourné aux source des Cycles Cattin, j’ai répété mes gammes du vélo de voyage en ressortant les plans de nombreux vélos fabriqués par Daniel au fil des ans. Puis j’ai intégré quelques nouveautés pour améliorer un peu l’ergonomie, pour l’adapter aux problématiques actuelles de disponibilité des pièces et des éléments de fabrication. J’ai aussi essayer de limiter l’importation de pièces aux origines lointaines, sans faire exploser le prix ni gréver la fiabilité.

Le résultat est cet ADN, nom choisi en référence à ce qui fait le génome des Cycles Cattin : le voyage, la simplicité, la fiabilité, mais aussi à Alexandra David Néel, exploratrice et écrivaine du siècle dernier, qui symbolise une forme d’aventure qui me plait, obstinée, lente et érudite. L’ADN est en quelque sorte un vélo à contre courant, avec ses V-Brake, ses roues en 26″ sur les petites tailles, ses porte bagage classiques. Mais ces choix sont la conséquence raisonnée de la philosophie du vélo et non une lubie vintage, ce qui les rend facilement compréhensible par les client·es à la recherche de cette philosophie, lowtech, simple, solide, réparable et performante. Tout ce qui a fait les Cycles Cattin ces 10 dernières années, comme les 30 précédentes et à n’en point douter celles à venir !

Cet anniversaire sera aussi l’occasion de quelques événements à l’atelier et sur les routes. Je vous en reparlerai !

Fabien