Pourquoi j’ai quitté les réseaux sociaux du groupe Meta

La rupture a été franche, pour ne pas dire brutale. Pratiquement du jour au lendemain, j’ai supprimé tous les comptes des Cycles Cattin, ainsi que mes comptes personnels) du groupe Meta (Instagram et Facebook). Un mois après, je vous devais bien quelques explications. Loin de moi l’idée de faire la leçon à quiconque où de prendre ma conduite en exemple, je souhaite simplement, expliquer les raisons qui m’ont poussées à cette décision radicale.

Une question de valeurs

Tout est au fond une question de valeurs, celles que l’on veut défendre et celles que l’on renvoie par nos actions. Être artisan cadreur est un métier que l’on fait par choix et qui demande un certain niveau d’engagement et d’investissement tant la rentabilité est faible par rapport à la charge de travail. Au delà du métier passion que l’on imagine facilement, il y a la défense d’un savoir faire, d’une certaine vision de la production et de la consommation des objets qui nous entourent.

J’ai déjà exposé ici même ma vision dans un précédent article l’an dernier. Selon moi, tout ceci fait de l’atelier de fabrication artisanale de vélo une entreprise fortement engagée, porteuse d’une certaine vision du monde et des valeurs qui l’animent. Et même si dire cela de nos jours c’est tendre le bâton pour se faire battre, il me semble qu’il faut de temps à autre le rappeler.

Liberté, curiosité et ouverture au monde

Il n’est pas très compliqué de trouver les valeurs des Cycles Cattin, il suffit de regarder nos vélos. Avant tout et depuis plus de 40 ans, nous avons fabriqué des vélos de voyage, pour toutes sortes de voyages. Il n’est pas surprenant que notre colonne vertébrale soit celle du voyage à vélo.

Lorsque l’on voyage à vélo, on recherche avant tout ce sentiment de liberté que procure le fait de voyager par ces propres moyens, sans l’aide d’un transport motorisé, on recherche le dépaysement, la découverte et les rencontres, à l’autre bout du monde comme en bas de chez soi. Il s’agit d’une activité profondément ouverte vers le monde qui nous entoure et les gens qui le peuplent. Qui plus est, les voyageur·ses à vélo ne se placent pas dans une position de domination, on voit le monde à hauteur d’homme et dans la mesure de ses propres capacités, il s’agit d’une école de l’humilité.

C’est précisément tout cela qui me plaît dans le voyage à vélo et que j’essaye d’insuffler dans les vélos que je fabrique. C’est aussi cela que je garde à l’esprit dans l’accueil que je réserve à mes cilent·es, ne jamais porter de jugement, ni sur les aptitudes de cycliste, les envies ou besoins ou l’appartenance socio-économique. Tout ceci ne me regarde pas, chacun vit la vie qu’il souhaite de la façon qu’il le souhaite, ou devrait pouvoir le faire. L’atelier des Cycles Cattin se doit de rester un lieu de liberté et émancipation par le vélo et la pratique d’un autre mode de consommation plus humain.

Et Meta dans tout cela ?

Peut-on dire a même chose des réseaux sociaux américains en ce moment ? Il ne me semble pas. Jusqu’à preuve du contraire, les multinationales californienne n’ont de valeur que le dollar, qu’elles entassent en quantité faramineuse. Les changements politiques récents aux USA en ont donné un exemple frappant. Le cas de M. Zuckerberg, patron de Meta est emblématique, puisqu’il est passé de chantre de la diversité à celui de la masculinité agressive le temps d’une campagne présidentielle (plus d’info ici).

Je ne lui renie pas le droit de penser, dire et faire ce qu’il veut avec sa propre entreprise, après tout la liberté ne doit pas être à géométrie variable. Mais il faut bien constater que la liberté, la curiosité et l’ouverture au monde ne sont plus des priorités pour l’oligarchie californienne à laquelle il appartient. Il défend dorénavant le repli sur soi et l’autoritarisme.

Standardisation des esprits

De plus, Instagram et Facebook sont devenus des fabriques à uniformité, où nous voyons tou·tes en même temps les mêmes choses (choisies par l’algorithme). Finalement, nos goûts comme nos vies finissent par se ressembler, que nous soyons de San Fransisco, Grenoble ou du fin fond de la Chine. Même la production des artisans du cycles tend à se s’uniformiser, influencé·es que nous sommes par l’exposition permanente aux productions des autres.

Je dois bien avouer que la séquence du revirement idéologique de M. Zuckerberg m’a plongé un peu plus profondément dans un paradoxe personnel. D’un côté je me prétends droit dans mes valeurs que je défends jusqu’au travers de mon travail, et d’un autre côté j’axe la communication de mon entreprise sur les réseaux d’une entreprise qui agit aux antipodes. Il est tout à fait possible de vivre dans le paradoxe, notre époque le montre dans bien des sujets, mais moi, pour une raison qui m’échappe, je n’y arrive pas bien longtemps.

Prise de risque

Ce n’est pas une décision à prendre à la légère que de supprimer mon compte Instagram (15300 abonné·es) et mettre fin du jour au lendemain à une routine de communication bien rodée (fruit d’un travail, surtout photographique, assez intense) . Notamment si l’on prend en considération les conséquence commerciale que cela engendre. Depuis pas mal d’année, les clients ne sont pas trop nombreux et se couper d’une source de communication à la mode et relativement facile d’utilisation (ils ne doivent pas qu’à la chance le succès de leur réseaux) est une réelle prise de risque pour ma petite entreprise.

Pour autant, je me sentais de moins en moins à ma place sur Instagram et Facebook, où les petits acteurs deviennent de plus en plus invisibles. Cela est causé tout d’abord par les lois du tout puissant algorithme qui favorise ceux qui paye (beaucoup), puis par la profusion quasi exponentielle de contenu. Pour donner un ordre d’idée, avec plus de 15000 abonné·es, mes publications des 6 derniers mois ne dépassaient quasiment jamais les 1000 vues et je peux bien vous l’avouer maintenant, plus des 2/3 de mes abonné·es se trouvaient être sud-américain·nes…

Être responsable de ses actes

Au final, tout ceci me semble répondre à un devoir de responsabilité. Lorsque l’on se réclame de valeurs, il faut que notre action si conforme, au risque sinon d’être inconséquent. Même si cela ne nous convient pas, par facilité ou crainte du risque encouru. Après un mois sans les réseaux du groupe Meta, j’avoue que ma vie s’est améliorée. Je passe moins de temps sur mon téléphone, je me sens moins influencer par ce que j’y voyais et quand je pars faire un tour de vélo, je ne ressens plus le besoin de faire une jolie petite story pour alimenter mon insatiable compte Instagram.

Quel avenir pour la communication d’une petite entreprise artisanale ?

Pour autant, les réseaux sociaux étaient un moyen de communication avec une partie de ma clientèle, lien que j’ai coupé et qu’il sera difficile à reconstruire autrement. Certes, je n’ai pas complément quitté les réseaux sociaux, puisque j’ai depuis ouvert un compte sur Mastodon (réseaux vraiment libre, gratuit et européen). Le rayonnement de ce réseau social alternatif n’est pas équivalent, même si la tendance pourrait s’inverser avec davantage d’utilisateurs engagés.

Il y a aussi la newsletter que je vais alimenter régulièrement et bien sûr, les petits événements à l’atelier, apéro de présentation et Cattinades. Tout ceci demandera encore plus d’effort que d’alimenter un fil Instagram, cela touchera un nombre de personnes plus réduit, mais peut-être que les échanges seront plus qualitatif et in fine le résultat sur les ventes bénéfique.

Après tout, n’est ce pas cela vivre? Se libérer des chaînes, même dorées, qui nous empêchent de nous sentir libres, curieux et ouverts au monde ?

Fabien

(les photos sont issues d’une Cattinade en Chartreuse et d’un voyage à vélo en famille)

2 réflexions sur “Pourquoi j’ai quitté les réseaux sociaux du groupe Meta”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Retour en haut