Venons au dernier paramètre qui est mis en avant généralement comme qualité d’un vélo de route, l’aérodynamisme. Il s’est généralisé comme une valeur cardinale depuis quelques années, au point de nous faire acheter des roues de 60 mm de hauteur. Il pousse même l’industrie de nous proposer des vélos de gravel aéro1… Ici, plus encore que précédemment, il est nécessaire de plonger dans les concepts dont on parle et les ordres de grandeurs pour savoir ce qui est pertinent ou pas.

La force de traînée, l’ennemi des cyclistes
De quoi parle t-on quand on parle d’aérodynamisme ? Il s’agit d’améliorer la pénétration dans l’air du vélo. Tout·e cycliste l’aura expérimenté, plus on va vite, plus la résistance de l’air est importante. Sur le plat, il s’agit de la principale force qui s’oppose à notre déplacement, elle est donc en effet souvent notre principale ennemie ! En physique, cette force de résistance s’appelle la force de traînée, car elle est principalement due aux turbulences que l’on génère derrière nous lors de notre déplacement. Elle s’écrit de la manière suivante :

Où d est la densité du fluide (ici l’air), S la surface de référence, Cx le coefficient de traînée et v la vitesse de déplacement. On comprend facilement que plus on va vite, plus la force de traînée va être importante, puisqu’elle varie comme le carré de notre vitesse (à laquelle vient s’ajouter le vent de face qui ne manque jamais de nous contrarier). Par conséquent, la puissance dissipée par la force de traînée varie, elle, au cube de la vitesse2. L’optimisation de l’aérodynamique d’un vélo va consister à travailler sur 2 paramètres : le coefficient de traînée et la surface de référence.
Force de traînée du vélo vs force de traînée du cycliste
Il est important de noter que la force de traînée ne concerne pas que le vélo, mais aussi le ou la cycliste sur le vélo, et que la surface exposée et le coefficient de traînée sont bien moins bons que pour le vélo ! L’essentiel de la force provient de notre propre corps. Hors le travail aérodynamique du cycliste est nettement plus compliqué et conduit à une grosse dégradation du confort.
Il n’empêche que ce n’est pas inintéressant de regarder ce qu’il se passe du côté du vélo. Le problème est relativement complexe car le vélo n’est pas un objet simple. Les parties les plus exposées sont celles à l’avant du vélo (roue avant, douille de direction, guidon…). Pour voir de quoi il en est, je vais prendre l’exemple le plus simple : la douille de direction.
Effet du coefficient de traînée
Le fameux Cx qui a donné son nom à une célèbre voiture des années 70-80, dépend de la forme de l’objet qui pénètre dans l’air. Le tube cylindrique classique n’est pas la meilleure des options avec un Cx de l’ordre de 0,4, alors qu’un tube très profilé descend sous les 0,1. Néanmoins, pour ce qui est de la douille de direction qui est le tube le plus exposé (le tube de selle est dans la traînée de la douille et de la roue avant), il est rarement bien profilé, même sur les vélos aero. Il est fort probable que l’on soit quelque part entre 0,3 et 0,4.
Effet de la surface de référence
Comme mentionné dans la formule de la force de traînée, la surface de référence a aussi son importance. Dans le cas d’un tube, cylindrique ou aéro, il s’agit de la surface vue en regardant par devant (le rectangle constitué de la hauteur de la douille et de sa largeur).
Dans notre cas, la largeur correspond au diamètre de la douille de direction et peut varier de 32 mm pour un vélo avec une fourche en pivot 1″ (j’en fabrique encore régulièrement !), à plus de 60 mm les vélos de route industriels actuels. La surface de référence sera alors (pour une hauteur de douille égale) 2 fois plus grande pour le vélo aéro, de quoi annihiler tous les efforts en soufflerie…

Estimation de la puissance dissipée
J’ai essayé d’estimer la puissance dissipée par mon vélo de route (Alpin) et un Giant TCR de passage à l’atelier, en estimant la surface frontale des vélos et en faisant le calcul avec un Cx de 0,4 pour l’Alpin et 0,3 pour le TCR. Le résultat, en fonction de la vitesse (jusqu’à 40 km/h) est donné dans le graphique ci-dessous :

Dans la gamme de vitesses qui correspond à celle d’un·e cycliste normal·e (20-30 km/h) sur le plat, on voit que la différence est très faible : 0,5 W à 20 km/h et 1,5 W à 30 km/h, alors même que l’hypothèse sur le Cx est sans doute très favorable au Giant. La conclusion est la même que pour le poids, les gains dus à un meilleur aérodynamisme du vélo sont très marginaux, il peut être intéressant pour un compétiteur mais absolument pas pour le commun des mortels. Un gain d’une poignée de watts peut tout à fait être anéanti par la monte de pneus aux mauvaises performances, comme évoqué précédemment.
L’aérodynamisme, rien que du vent ?
Enfin pour conclure sur l’aérodynamisme et faire un parallèle avec la rigidité, l’ovalisation des tubes conduit immanquablement à une rigidification de ceux-ci. Un vélo aérodynamique est par conséquent bien souvent peu confortable. Au regard du gain que cela apporte, je ne comprends pas l’engouement pour ce genre de vélo à l’heure actuelle, si ce n’est de nous faire consommer plus vite nos plaquettes de frein à disque lors des descentes !
Cet article, comme nos vélos, a été écrit par un humain pour des humains. Il continent donc d’authentiques fautes d’orthographe et d’errances syntaxiques. Profitez-en cela va devenir rare.