Transmission : influence sur les performances et le plaisir de rouler

Cet article aborde un point sensiblement différent des derniers car il ne concerne pas le cadre ou la fourche, ni les matériaux utilisés. Mais comme il s’agit d’un point de discussion très fréquent avec mes client·es, je souhaitais l’intégrer à cette série d’articles. D’autant plus qu’il a un impact direct sur notre façon de rouler avec nos vélos de route et d’autant plus en montagne. Parlons donc braquets !

Transmission mono plateau 1×11 (36 devant 10/42 derrière)

Braquets, développements, transmission… De quoi parle-t-on ?

Commençons par un peu de définition, pour que l’on puisse bien se comprendre.

La transmission, le groupe

La transmission est le terme généralement utilisé pour l’ensemble des composants du vélo qui vont permettre de « transmettre » l’effort de vos mollets galbés vers la roue arrière. Cela comprend le plus souvent :

  • Le pédalier et son ou ses plateaux (à l’avant)
  • La chaîne
  • La cassette et ses pignons (à l’arrière)
  • Le ou les dérailleurs et les manettes de commande (si l’on n’est pas en singlespeed)

Pour une transmission avec les vitesses intégrées dans le moyeu arrière (type Rohloff) ou dans la boîte de pédalier (type Effigear ou Pignon), il faut rajouter ces composants spécifiques. Par la suite, je vais me concentrer sur les transmissions à dérailleurs plus communes sur les vélos de route.

La transmission fait partie d’un ensemble plus large que l’on nomme dans le jargon cycliste le groupe, qui comprend en plus de la transmission le système de freinage (leviers + étriers). Cela provient du fait que généralement il s’agit d’une même gamme provenant du même fabricant (Shimano, Campagnolo ou SRAM principalement). Ici les freins ne nous intéressent pas particulièrement, je parlerai donc de transmission.

Braquets, développements, vitesse…

Pour une transmission à dérailleurs on dispose de plusieurs vitesses comme sur une boîte à vitesses d’une voiture. Leur nombre dépend du nombre de plateaux et du nombre de pignons de la cassette. Actuellement on a généralement 1 ou 2 plateaux et 10, 11, 12 voire 13 pignons. Ce qui donne virtuellement 10 à 26 vitesses. Dans les faits, c’est un peu plus compliqué car il peut y avoir pas mal de doublons et le nombre de vitesses n’est pas nécessairement un paramètre déterminant.

Dans le jargon cycliste, on parle de braquets lorsqu’on fait référence aux vitesses que l’on dispose. Ils sont plus ou moins gros en fonction du ratio de développement. Le terme de braquet sera préféré à celui de vitesse dans la suite de l’article, car la vitesse fait aussi référence à la vitesse de déplacement, grandeur primordiale lorsque l’on parle de vélo de route. Dans la suite de l’article, le terme de braquets fera référence aux différentes combinaisons de plateaux/pignons et vitesse à la vitesse de déplacement

Transmission mono plateau 2×12 (48/32 devant 11/34 derrière)

Ratio

Pour chacune des vitesses, il va y avoir, en effet, un ratio de développement, c’est-à-dire que pour un tour de pédalier votre roue va faire un plus ou moins de tour. Ce ratio va dépendre du rapport du nombre de dents entre le plateau et le pignon utilisés. Concrètement, si votre plateau comporte 50 dents et que votre pignon en a 25, pour chaque tour de pédalier (la chaîne a avancé de 50 dents), votre pignon fera 2 tours. Le ratio est donc de 2.

Développements

Personnellement je n’aime pas beaucoup raisonner avec le ratio, car il ne nous dit pas grand-chose. La grandeur que je préfère est celle que j’appelle développement et qui va donner, pour chaque braquet, la distance que l’on parcours. Il faut pour cela tenir compte du périmètre de la roue, qui correspond à la distance que vous allez parcourir lors d’un tour de roue.

Le développement est donc une longueur et s’exprime en mètre (ou centimètre si vous préférez). Il s’agit de la grandeur qui vous permettra de comparer vos braquets entre eux, notamment d’un vélo à un autre, quelque soit la taille des roues et des pneus. Car il peut y avoir une différence importante, comme le montre le tableau ci-dessous :

Taille de la roue

Type de roue1Périmètre (m)
26″ (pneu 28 mm)1,95
650C (pneu 28 mm)1,98
650B (pneu 28 mm)2,02
700C (pneu 28 mm)2,15
700C (pneu 23 mm)2,12
700C (pneu 35 mm)2,2

Pour une section de pneu égale (28 mm), il y a une différence de 10 % sur le périmètre entre une roue de 26″ et une roue de 700C. Il existe aussi une différence de 4 % entre un pneu de 23 mm et un pneu de 35 mm (que l’on commence à voir sur certains vélos de route…) Cette différence va se retrouver directement sur les développements. Il est parfois important d’adapter le choix des pignons et/ou plateau en fonction de la taille des roues.

Vitesse

Si vous souhaitez calculer la vitesse à laquelle vous allez rouler pour un développement donné, il suffit de multiplier le développement par la cadence de pédalage, en faisant un peu attention aux unités ! Pour obtenir une vitesse en km/h avec un développement en mètre et une cadence en tour par minute (tr/min), il vous faut appliquer la formule suivante :

Maintenant que tous les termes sont définis, nous pouvons nous pencher concrètement sur les développements des vélos de route et leurs conséquences.

Quels sont les développements d’un vélo de route ?

Pour illustrer les différentes configurations possibles de développements qu’il est possible de proposer pour un vélo de route, j’utilise l’excellent site Bicycle Gear Calculator. Les captures d’écran qui suivent viennent toutes de ce site.

Les développements d’un vélo commercial

Pour poser les bases de la discussion, j’ai pris les développements proposés par Colnago2 sur ses vélos de route. En l’occurrence, le choix par défaut de transmission Shimano consiste en un pédalier 52/36 dents, une cassette 11/30 dents (12 vitesses) et une roue en 700c avec un pneu de 28 mm de section. Les développements disponibles sont les suivants :

Développement d’un vélo commercial (Colnago V5RS, pédalier 52/36, cassette 11/30 et roue de 700C/28 mm)

La gamme de développements sur le Calonago V5RS s’étend de 2,58 m pour le petit développement (36-30) à 10,16 m pour le grand (52-11). Pour une cadence de pédalage de 90 tr/min, cela donne une vitesse basse de 14 km/h et une vitesse haute de 55 km/h.

Cette analyse nous permet de voir immédiatement la plage de vitesses (au sens de la vitesse à laquelle on roule) accessible par le vélo. Dans le cas du Colnago, pour rouler à 7 km/h (ma vitesse personnelle dans des pourcentages à 2 chiffres), la cadence doit être de 45 tr/min, soit une cadence bien trop faible3 en ce qui me concerne.

Si maintenant on se penche de l’autre côté du spectre, avec un grand développement de 10,16 m, cela donne un braquet utilisable uniquement en descente, à des vitesses où, habituellement, je freine… Les deux petits pignons sont donc largement inutiles pour ma pratique personnelle, et pour celle de nombreux·ses cyclistes !

Enfin, pour la gamme de vitesses comprises entre 20 et 30 km/h, qui correspond aux allures sur le plat, on doit soit utiliser le haut de la cassette avec le grand plateau, soit le bas avec le petit plateau. Avec cette configuration, le croisement de chaîne est maximal dans une utilisation habituelle pour un·e cyclotouriste. En somme, rien ne va avec ce choix de transmission, sauf peut-être pour Pogacar.

Des développements plus raisonnables

Voici ce que j’ai l’habitude de proposer à mes client·es pour une utilisation route avec une forte activité montagnarde : un pédalier de gravel 46/30 et une cassette 11/36 (en 11 pignons, disponible chez SRAM et compatible avec des transmissions Shimano 11 vitesses). Cela nous donne la plage de développement suivante :

Développements typiques d’un Alpin (pédalier 46/30, cassette 11/36, roue de 700C et pneu de 25 mm)

On se trouve avec des développements plus humainement acceptables, à savoir un petit développement de 1,78 m qui permet de monter à moins de 10 km/h à 90 tr/min et même 6,5 km/h à 60 tr/min ! Le grand développement est toujours suffisant pour pédaler dans les faux plats descendants et même d’atteindre les 50 km/h, sait-on jamais… Enfin sur le plat, on peut utiliser le milieu de la cassette avec le grand plateau.

Peut-on faire encore mieux pour la montagne?

Il est tout à fait possible de pousser l’exercice encore plus loin en optimisant pour une pratique dédiée grand cols. En diminuant la taille des roues, ce qui réduit l’inertie et permet de raccourcir les bases (cf l’article sur la géométrie), on réduit aussi les développements. On peut aussi troquer les traditionnels 46/30 de Shimano par des plateaux Spécialité TA 44/28 et on obtient une plage de développements sans compromis :

Optimisation pour la montée : pédalier 44/28, cassette 11/36 et roues de 650B/25 mm

Avec un petit développement de 1,55 m, les longues ascensions à fort pourcentage, comme le Galibier versant mauriennais, ne seront plus un calvaire ! Et même si vous ne le passez jamais, le fait de savoir que vous avez sous le coude un dernier pignon, apporte beaucoup de sérénité. Il n’y a rien de plus démoralisant que de constater qu’on est déjà sur le petit développement dès les premiers mètres d’ascension.

On peut pousser encore plus loin le vice en montant un pédalier 40/26, comme sur ce gravel !

Mono plateau

Jusqu’à maintenant, je n’ai montré que des exemples de transmissions à doubles plateaux. Elles ont le principal avantage d’avoir une gamme plus étendue et un étagement plus ramassé (il y a moins d’écart de développements entre deux braquets). Mais le mono plateau n’est pas non plus à négliger. Il a pour lui une certaine simplicité (il n’y a plus à choisir sur quel plateau on roule).

Personnellement, mon vélo de route (la première photo de l’article) en est équipé depuis 3 ans et j’en suis très content. J’ai un plateau de 36 dents et une cassette 10/42, le tout avec des roues de 650C en pneu de 23 mm : inertie minimale et compacité, un vrai régal en montagne ! Du point de vue gamme de développements, cela donne ceci :

Transmission mono plateau 36 dents avec cassette 10/42 (11 vitesses) et roues de 650C/23 mm

On voit par contre que le grand développement n’est que de 7,11 m, ce qui fait que l’on arrête de pédaler au-delà de 40 km (44 km/h pour moi). Il y a aussi beaucoup d’écart entre les 3 premiers pignons, ce qui rend parfois difficile de rouler en groupe à vitesse élevée. Mais si votre pratique s’accommode bien de cela, le mono plateau est une alternative à prendre en considération.

Une transmission adaptée, plaisir de rouler

En conclusion, il ne faut pas croire que tout le monde peut rouler avec les mêmes développements que Pogacar, surtout en montagne. Et, malgré le discours souvent servi chez les vélocistes, il est tout à fait possible de faire un vélo de route avec des petits développements, adaptés aux cyclotouristes que nous sommes très largement. Parfois c’est difficile sur les vélos industriels4, mais c’est quelque chose qui doit s’étudier (je le fais avec plaisir sur n’importe quel vélo :-)). Et si par malchance ce n’est pas possible, un vélo sur mesure le pourra à coup sûr !

Résistons collectivement aux choix qui nous sont imposés par l’industrie. Roulons en vélo sur mesure !

Fin (provisoire) de ce dossier

  1. À l’atelier j’utilise principalement 4 tailles de roue, le 26″ (26 pouces, norme ETRTO 559), le 650C (norme ETRTO 571), le 650B ou 27,5″ (norme ETRTO 584) et le 700C ou 28″ ou 29″ (norme ETRTO 622). ↩︎
  2. La marque de vélo de Pogacar, le grand champion actuel de vélo de route, toutes catégories confondues. ↩︎
  3. Il est généralement considéré que la limite basse de la cadence est de 60 tr/min (1 tr/s), en deçà, on est debout sur les pédales et l’efficacité de pédalage chute, sauf cas particulier. Dans mon cas personnel, ma cadence de pédalage optimale est entre 75 et 85 tr/min, ce qui donne une vitesse minimale avec le Colnago de 11,6 km/h. ↩︎
  4. Il est parfois compliqué de descendre le dérailleur avant pour faire fonctionner un pédalier avec des plateaux plus petits. ↩︎

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Retour en haut