Est-il nécessaire de changer de continent pour avoir droit à l’évasion? Me voici en Molise, mon territoire d’origine, petit et de plus en plus sauvage, oublié par la plupart des Italiens, inconnu aux autres. Ce n’est pas le lieu ici pour décrire cette région, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme. C’est le silence qui détermine de plus en plus l’essence de cette terre surtout quand on sort de la tradition et qu’on y retourne en dehors des fêtes. E va bene così.
Toutefois, quelque chose éveille la curiosité : du dénivelé positif dans le sud de l’Italie, un oxymore visible à partir de 700m d’altitude et au-delà. Une raison suffisante pour ne pas oublier son vélo quand on se rend en Molise. Et alors me voilà en selle sur mon vélo de fonction le Cattin n°129 (pour plus d’infos sur nos vélos de route cliquez ici) pour une boucle autour de Campobasso, le chef-lieu de région. Trois coups de pédale et depuis les Alpes, où a été créé ce beau destrier, je me retrouve dos aux Apennins, sur les balcons de la chaîne du Matese.
C’est ici que se situe la piste d’atterrissage des fameux retours de l’Est, car c’est ici que, depuis les Balkans, on dialogue avec les vents les plus insidieux. A une époque pas si lointaine, à cette saison, ils étaient souvent messagers des nuages chargés de bonne neige. Malgré l’absence de neige, le froid est toujours la constante de ce territoire. On dirait que le Molise est si isolé que même le réchauffement climatique a du mal à s’installer.
L’idiome est différent mais la langue avec laquelle on communique avec ses routes est rapidement comprise par un vélo en acier comme le mien. Avec ses roues en 650b et assemblé de manière logique avec des développements humains (cassette 11-34 et pédalier 46-30), on se rend compte que cette conception de vélo n’est pas adaptée exclusivement aux ascensions alpines, bien au contraire. La réactivité de ce vélo me permet de jouer avec chaque parcours. Plus particulièrement dans ce tour je n’ai pas rencontré d’ascensions régulières mais plutôt la manifestation des « mangia e bevi » italiens constitués par de petits murs avec de gros pourcentages qu’on appelle, en dialecte d’ici, « reppe ». En descente parfois la chaîne tape sur la base à cause des trous sur les routes oubliées par les services routiers du département, mais le corps de cassette reste libre. Les roues roulent en pleine exploration et apportent du confort grâce aux pneus en 28mm.
Dans les campagnes, autour des villages, le rythme est toujours différent et les travaux de la terre sont limités et silencieux en cette saison, mais néanmoins présents avec la taille des branches (depuis les vignes, aux arbres des forêts communales de chênes et de hêtres). On essaie de passer discrètement sur les routes secondaires, mais ici nous ne sommes jamais suffisamment invisibles aux « caucciuniell », les célèbres chiens bâtards, souvent avec des pattes en 24 pouces, gardiens des fermes. Ils sont un peu moins affamés que les « perros » sud-américains, mais quand même bien actifs. Un bon entraînement pour accélérer la cadence et se rappeler, à la fin de cette échappée, que ça serait bien de se ravitailler.
Alors les clichés de la pizza, du cappuccino, de la glace etc… on les laisse aux touristes en visite dans les autres régions. Ici on s’arrête dans un bar pour un verre de rouge local, dans une boulangerie/four pour un morceau de focaccia (pizza du midi), dans un caseificio pour une boule de mozzarella encore chaude. Tous ces aliments nous permettraient de passer au-delà du Matese et de pédaler jusqu’à Naples, mais on n’a pas le temps car on est attendu pour le repas de midi!
On termine la boucle en passant par la ville dominée par son château. Campobasso a récemment vu l’installation d’une piste cyclable pas tellement comprise par ses habitants. Ici il y a encore du travail pour sensibiliser les gens à l’utilisation d’un vélo, mais, malgré la Meloni, avec ces mini initiatives on espère être sur une bonne route.
Alla prossima
Damiano