Partez à la découverte de la fourche truss !

On vous dévoile tout sur ces fourches au look décalé que vous voyez régulièrement sur nos vélos !

A quoi ça sert une fourche truss

L’objectif premier de la fourche truss est de concilier rigidité et légèreté. Grace à l’utilisation de la triangulation, les fourches sont plus rigides et perdent du poids, un exemple de solution technique qui permet de gagner sur tous les tableaux ! Mais commençons par le début.


C’est quoi ce nom ?

Le mot anglais truss renvoie aux fermettes d’une charpente, structures légères et triangulées qui constituent la charpente sur les maisons modernes. Elles remplacent les grosses poutres que l’on utilise dans les charpentes traditionnelles.


Est-ce la dernière innovation du monde du vélo ?

Red Ryko lors de son record de la traversé de l'Australie en 1914

On ne peut pas dire que la fourche truss soit une innovation récente… En effet leur apparition remonte au XIXe siècle sur des vélos comme des motos. L’idée était de rigidifier les fourches, notamment lors de l’utilisation de freins à tambour. Sur la photo ci contre, on voit Ted Ryko, un aventurier Australien, lors de sont record de la traversée Adélaide – Darwin en mai 1914. Son vélo dispose d’une très belle fourche truss qui n’a rien à envier aux productions actuelles. (Un oeil avisé remarquera la géométrie très « enduro » des vélos d’époque et un oeil très très affuté le guidon « gravel » du vélo de son copain John Fahey avec un bon 30° de flare)


Mais pourquoi faire des fourches truss au XXIe siècle ?

Les fourches truss sont revenues à la mode au début du XXIe siècle chez les artisans américains, notamment spécialisés dans le titane comme Jones et Blacksheep, ou français comme Pechtregon, qui cherchaient à faire des fourches résistant aux contraintes des freins à disque. Car la principale raison de l’utilisation de cette géométrie de nos jours vient précisément des freins à disques. Pour bien comprendre, il faut faire un peu de mécanique…

Petit cours de mécanique du frein à disque

Les freins sont une source de contraintes mécaniques importante sur un vélo, surtout pour le frein avant qui assure la plus grosse partie de l’effort de freinage. Dans une descente, à l’approche d’un virage, il faut imaginer que vos freins vont devoir convertir une bonne partie de l’énergie cinétique du système en chaleur. L’énergie cinétique du système (vous et votre vélo) peut se représenter en vous imaginant dévaler un col alpin à pleine vitesse et rencontrer un mur sorti de la route à l’improviste, l’énergie sera peu ou prou la douleur que cela engendrera chez vous. Quant à la chaleur, elle est produite par le frottement du frein sur la jante ou le disque. Tout un tas de forces sont mises en jeu sur les différentes parties du vélo : fourche, cadre, roues, guidon… Pour simplifier et se concentrer sur ce qui nous intéresse, la fourche est soumise à une force de « poussée » du cadre qui s’exerce via le jeu de direction et une force de « retenue » au niveau du frein, les deux étant en sens opposé. En résulte un couple, qui sera d’autant plus grand que la distance entre les deux points d’application de ces forces est loin.

Pour les freins sur jante la chose est simple, ils sont placés près du pivot, surtout pour les freins de route (environ 1 cm). Pour les freins à disque, c’est l’inverse, la distance entre le bas du jeu de direction et le frein est maximale et contraint le fourreau à un couple maximal1. Or les freins à disque possèdent une puissance de freinage potentiellement très importante. Si le disque de frein est de grand diamètre et que l’étrier est performant, la puissance de freinage est même considérable, ce qui arrange bien les VTTistes et autres tandemistes! Les deux effets conjugués mettent la fourche au supplice, surtout si celle ci présente une grande élasticité, comme les fourches en acier ou titane…

Petit cours de physique des matériaux

L’acier et le titane présente de très bonnes propriétés élastiques (ils sont souples c’est à dire que la déformation du tube disparait lorsque la contrainte disparait), ce qui en fait des matériaux très intéressants pour faire des vélos confortables ET performants. Mais avec notre histoire de frein à disque, les choses se compliquent et la souplesse devient un problème, la fourche « broute » au freinage… Pour les fourches en carbones, les choses sont différentes puisqu’il est possible d’obtenir une très grande rigidité en fonction du tissage des fils de carbone.

Les solutions existent pour rigidifier une fourche :

  • Soit on joue sur la section et la forme des tubes : augmentation des diamètre et utilisation de formes non circulaires. Mais c’est une solution qui tend à augmenter fortement le poids pour l’acier et le titane. Elle est par contre largement utilisée pour les fourches en carbone.
  • Soit on utilise la même solution que pour le cadre, on triangule : au lieu d’avoir un seul fourreau, on en met deux et on forme une sorte de triangle (qui ressemble plus à un parallélogramme…)

Les avantages de la fourche truss

La géométrie de la fourche truss s’explique donc par le gain de rigidité qu’elle procure. Mais aussi le gain de poids qu’elle permet par rapport à une fourche classique pour frein à disque. En effet la triangulation permet d’utiliser des tubes de plus petite section et aussi de réduire les contraintes sur le pivot et ainsi l’alléger. Cet effet est rendu possible par la répartition des efforts sur le pivot de chaque côté de la douille de direction.

Sur une fourche classique, la transmission de la poussée du cadre sur la fourche lors du freinage crée un maximum d’effort sur le bas du pivot, au niveau de la cuvette basse du jeu de direction. C’est pour cette raison que les pivots des fourches commerciales sont maintenant coniques avec un diamètre de 1,5″ (38mm) en bas contre 1″1/8 (28,6mm) en haut. Dans le cas d’une fourche truss avec les fourreaux avant qui remontent au dessus de la douille, les efforts sur le pivot sont répartis de chaque côté de la douille. Cette réduction des efforts, conjuguée à la possibilité de désolidariser le pivot du reste de la fourche, notamment pour faciliter le montage, permet d’utiliser un pivot en alu ou en carbone. Or le pivot est le tube le plus épais dans un vélo2 et un des plus lourd, le gain de poids peut aller jusqu’à 200 g avec l’utilisation d’un pivot en alu.

Malgré sa plus grande complexité, le poids d’une fourche truss est plus proche d’une fourche pour frein sur jante que d’une fourche classique à frein à disque et avec une bien meilleur rigidité ! Et elle donne un look incomparable au vélo, que l’on ne peut retrouver que sur un vélo artisanal !

Fourche truss pour randonneuse900g
Fourche classique 1″1/8 frein sur jante800 g
Fourche classique 1″1/8 frein à disque1100 g
Comparaisons des poids typique d’une fourche pour randonneuse 650B dans les trois configurations possibles.

Pour toutes ses raisons, nous aimons beaucoup les fourches truss et nous les proposons pour nos vélos à freins à disque, que ce soit sur les tout terrain (gravel ou VTT), les randonneuses ou les vélos de voyage . Si vous aussi vous êtes conquis par cette solution, venez vous faire construire un vélo chez nous !


  1. De plus la force au niveau du frein ne s’applique que d’un seul côté, contrairement aux freins sur jante. Ceci aggrave encore les contraintes mécaniques et le besoin de rigidité de la fourche. C’est une des raisons pour laquelle les moyeux à axe traversant ont remplacé les serrages rapides pourtant très pratiques. ↩︎
  2. L’épaisseur d’un pivot en acier pour une fourche classique en 1″ ou 1″1/8 est bien souvent de 2,3 mm au niveau de la tête de fourche et 1,5 mm sur la partie haute. Pour les pivots légers l’épaisseur varie de 2 mm à 1,2 mm. Le poids d’un pivot varie de 300 à 400 g pour une longueur de 300 mm. ↩︎

14 réflexions sur “Partez à la découverte de la fourche truss !”

  1. Ping : Cycles Cattin - France Bikepacking.com

  2. Je me demandais : quel genre de tube utilisez vous pour la fourche truss ? c’est la même section devant et derrière ? vous en attendez un peu de flexibilité ? merci

    1. Bonjour Théophile,
      Pour la flexibilité, pas vraiment, c’est vraiment la rigidité frontale que l’on cherche, du coup ce n’est pas vraement flexible. Après, ça reste de l’acier et les tubes ne sont pas énorme, du coup il y a toujours un peu de flexion, mais beaucoup moins qu’une fourche classique.
      Pour le type de tubes, tout dépend du vélo. Sur un tandem, j’utilise des fourreaux classiques que je viens renforcé par des tubes en cromo de 10 ou 12 mm à l’avant. Pour une randonneuse légère, je peux utiliser des bases ou des mêmes des haubans avec des renforts avant en cromo de 8 ou 10 mm.
      Fabien

  3. Bonjour Fabien,
    merci de ta réponse rapide
    je suis entrain de potasser la conception d’une fourche truss et du coup, je me demandais quels tubes les Artisans utilisaient mais j’ai l’impression que c’est très variable !
    C’est pour une randonneuse avec un pilote 70 – 75 kgs qui chargera un peu l’avant (bikepacking..) ; je pensais à des tubes 25CD4 en 13mm ou 14mm derrière et du 10mm ou 12mm devant mais je réalise que c’est peut être pas bien gros car celles et ceux, comme toi, qui utilisent des haubans, c’est plutôt du 16 mm ?(type colombus life?) merci encore
    Théophile

    1. Bonjour Yves,
      Sans doute que si l’on voulais faire la fourche la plus légère possible on pourrait faire une différenciation droite/gauche, mais ça ne serait pas très esthétique… Et dans la façon dont on construit nos fourche, le fourreau arrière gauche seul ne serait pas assez solide.

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